Les impôts font partie du quotidien des Français, mais savez-vous réellement comment l’État utilise l'argent que vous lui versez ? Si vous avez toujours eu une idée vague des taxes et des prélèvements, cette enquête exclusive vous propose un éclairage sur la manière dont vos impôts sont répartis, utilisés, et parfois... gaspillés.
L’un des phénomènes les plus frappants de la gestion publique en France est la multiplication des structures administratives. L'État finance des milliers d'agences, commissions, et autres organismes publics qui, souvent, se superposent les uns aux autres sans qu’il y ait de réelle coordination. Résultat : un système administratif pléthorique qui coûte cher, sans pour autant être plus efficace.
D'après la Cour des comptes, la France comptait en 2021 plus de 300 000 entités publiques, Parmi celles-ci, on trouve des ministères des agences, des missions, des autorités indépendantes, des associations subventionnées, et même des structures temporaires créées pour répondre à des urgences. Beaucoup de ces structures sont chargées de missions qui se recoupent avec d'autres, entraînant un dépassement des coûts et une inefficacité chronique.
L’un des coûts les plus visibles de cette suradministration est la masse salariale des fonctionnaires. En 2022, elle a représenté environ 138 milliards d'euros pour les fonctions publiques d'État selon FIPECO, territoriale et hospitalière. Une grande partie de cet argent sert à financer des postes dans des structures dont l’utilité n’est pas toujours évidente.
Prenons par exemple le nombre d’agences publiques. La France compte près de 200 agences publiques, qui, bien qu’elles aient des missions spécifiques, entretiennent des chevauchements de responsabilités. Certaines d’entre elles, comme l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), l'HAS (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation) ou encore l'ANAP (Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux) partagent des objectifs similaires et leurs budgets sont souvent alloués sans réelle évaluation de l'efficacité des missions qu'elles accomplissent.
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Il existe également d'autres exemples d'agences publiques dont les rôles se chevauchent. Le CNFPTLV (Conseil national de la Formation Professionnelle Tout au Long de la Vie) et le CNIAE (Conseil national de l’insertion par l’activité économique) ont tous deux des missions liées à la gestion des ressources humaines et à l'insertion des personnes.
En 2021, la Cour des comptes a également révélé que 30% des agences publiques étaient "inutiles" ou avaient des missions redondantes avec d'autres organismes. Cette situation met en lumière l'ampleur de la suradministration en France, et le gaspillage des fonds publics qu’elle engendre. En effet, ces structures coûtent non seulement en termes de salaires, mais aussi en gestion, logistique, et parfois en duplication d’infrastructures, alors que des solutions plus simples et plus efficaces pourraient être mises en place pour accomplir les mêmes missions.
En parallèle de cette bavure administrative, l'État multiplie les lois et régulations, souvent à des fins symboliques ou de simple maintien du statu quo. La France possède l’un des systèmes juridiques les plus complexes au monde, avec plus de 10 000 lois et des milliers de décrets qui, plutôt que de simplifier les démarches, entravent parfois le bon fonctionnement des entreprises et des particuliers.
Chaque nouvelle loi nécessite une administration pour la faire appliquer, des contrôles pour s’assurer de sa bonne exécution, et une communication pour informer la population. Ce processus génère une inertie administrative qui coûte cher à la collectivité. Par exemple, chaque loi qui implique des régulations spécifiques nécessite des nouveaux services publics pour la mettre en œuvre, que ce soit sous forme d'agences, de commissions, ou de régulateurs.
Un cas très concret concerne la régulation de l'énergie : plusieurs instances, comme la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie), se superposent à d’autres structures régulant des aspects similaires, telles que la RTE (Réseau de Transport d'Électricité) ou encore l’ADEME. La multiplication des régulations dans un secteur déjà hautement régulé est un exemple de la complexité législative à laquelle l'État fait face, et qui engendre un surcoût administratif.
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L'État français distribue chaque année des subventions à un grand nombre d’associations, d’organismes privés et publics, et même à des entreprises, sans toujours évaluer correctement leur impact réel. Ces subventions sont souvent accordées à des structures qui n’ont pas de rôle décisif ou dont l’action est inefficace. Les financements des associations : un enjeu de contrôle
La Cour des comptes a régulièrement souligné les problèmes liés à l’absence de contrôle sur l’utilisation des subventions publiques. Par exemple, des associations qui reçoivent des financements publics pour mener des actions sociales ou éducatives sont parfois mal gérées, ou leur action reste peu mesurable. En 2020, l'État a distribué près de 45 milliards d'euros sous forme de subventions et d’aides diverses, mais une grande partie de ces fonds ne bénéficie pas directement à la population. La gestion de la dette : un fardeau pour les contribuables
Un autre point de tension est la gestion de la dette publique. En 2023, la France a dépensé plus de 43 milliards d'euros juste pour les intérêts de la dette publique. Cette gestion de la dette, qui résulte d'années de déficits budgétaires, pèse lourdement sur les finances publiques et se traduit par une augmentation de la pression fiscale sur les citoyens.
Le gaspillage d'argent public à travers la suradministration est un problème qui mérite d’être pris au sérieux. L'État français doit sérieusement envisager une réduction de la bureaucratie en fusionnant les structures redondantes, simplifiant la législation et en améliorant le contrôle sur les subventions et la gestion des fonds publics. Cela permettrait non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’améliorer l’efficacité des services publics. Il est grand temps que la gestion publique française change de direction, en mettant l’accent sur l’efficacité plutôt que sur la multiplication des structures.